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Portrait

Dans le domaine de l’écriture et de la communication : Heirani Salmon

Publié le 26 avril 2019

L’Association UFFO (Union des Femmes Francophones d’Océanie) en partenariat avec Femmes de Polynésie, organise la 2e Edition des POERAVA. La 1ère édition en 2018 a mis en lumière 8 Femmes polynésiennes remarquables par leur personnalité et leur force d’engagement, ce sont nos POERAVA, nos perles précieuses.

Nathalie, Heirani SALMON-HUDRY est née à Papeete en 1983 dans des conditions exceptionnellement difficiles desquelles elle gardera des séquelles motrices sévères à vie. Handicapée depuis sa naissance, Heirani est néanmoins une enfant aimée d’un amour inconditionnel par sa mère.

Alors que le handicap est socialement mal accepté, sa mère l’amène partout dans le monde ; que ce soit pour aller manger aux roulottes ou dans des restaurants étoilés. « Elle n’a jamais eu honte de moi » dit-elle de sa mère. Et « on peut réussir quand on est aimé. »

Une scolarité et une formation professionnelle réussie à force de volonté

Du fait de son handicap, elle ne bénéficie pas d’un cursus scolaire comme les autres enfants malgré les tentatives de sa mère institutrice de l’insérer dans un parcours normal et ce en raison de l’absence, à l’époque d’auxiliaire à la vie scolaire. C’est à la Fraternité Chrétienne qu’elle apprendra les bases de l’école primaire.

Evasanée en Bretagne dans un centre spécialisé, elle effectue sa scolarité dans un collège ; ce qui l’oblige à suivre un rythme d’apprentissage plus intensif que ce qu’elle a connu jusque là à Tahiti. Ce séjour d’un an lui démontre qu’elle est capable de réussir malgré son handicap. A son retour cependant, les établissements scolaires refusent de la prendre. Elle opte alors pour une scolarité via le CNED et obtient son DNB et son DAEU, l’équivalent du baccalauréat, en 2007 à l’âge de 24 ans.

Mais une insertion professionnelle décourageante

Après le DAEU, vient le moment de se former à un futur métier. Heirani choisit la formation de journalisme qu’elle effectue à distance durant 2 ans. Lorsqu’elle cherche un emploi et entame des entretiens d’embauche une cruelle réalité s’impose alors à elle : « Tout ce que tu mets sur un CV, tous tes diplômes ne valent rien si tu as un handicap ! » dit-elle. Les entreprises ne l’embauchent pas malgré ses capacités et sa motivation car il y a nécessité d’aménager le poste de travail. Elle avoue volontiers que cette période de sa vie a été difficile.

Comme thérapie à cette phase douloureuse, elle recherche l’évasion totale dans l’écriture, comme lorsqu’elle, petite, elle écrivait des poèmes à l’intention des personnes qu’elle aimait. Elle se décrit en tant que personne, pour réagir vis à vis de ceux qui ne voient que son handicap, et nient voir la personne qu’elle est réellement. 

Sa mère l’incite à publier son tapuscrit et se met en quête d’un éditeur dans l’annuaire. Tout s’enchaîne rapidement. L’éditeur qui accepte de la publier est Christian ROBERT d’« Au vent des îles » avec qui Heirani se trouve totalement en phase. De cette collaboration auteure-éditeur naît son premier livre « Je suis née morte ».

Concernant le sort général réservé aux handicapés, elle estime qu’autant ils bénéficient d’une prise en charge éducative et sociale dans l’enfance et l’adolescence, autant une fois adultes ils sont rendus à leurs parents et abandonnés à la charge exclusive de leur famille. Parlant de sa situation, elle nous dit que sa mère devenue âgée est épuisée et régulièrement hospitalisée pour des problèmes de santé. 

Lorsque celle-ci est hospitalisée, elle se retrouve toute seule à la maison et n’obtient aucun soutien des services sociaux en dépit de ses appels à l’aide. « Je peux rien faire pour toi. Il faut attendre la commission dans 3 semaines. ». Voilà invariablement les réponses qui lui sont faites. Car sa mère étant retraitée de la fonction publique d’Etat, Heirani n’aurait soi-disant pas droit à une prise en charge « pays ». Elle éprouve un sentiment de solitude horrible au quotidien. Si sa mère venait à disparaitre, Heirani n’aurait plus personne pour s’occuper d’elle. Elle a peur de son avenir.

Elle estime que la Nouvelle-Calédonie est beaucoup plus en avance sur la prise en charge du handicap. En Polynésie, les moyens de transport sont inadaptés aux handicapés. Par exemple, il n’y a pas de taxis adaptés. Dès qu’elle doit sortir, sa mère est obligée de la porter, elle et son fauteuil électrique. Par ailleurs, se déplacer en fauteuil électrique en ville est impossible, ne serait-ce qu’en raison de la hauteur des trottoirs.

« Le recensement de 2007 a fait état de 11000 handicapés. Que fait-on pour ce pan là de la société ? » interroge-t-elle. Elle croit que le handicap n’est pas une priorité pour les pouvoirs publics et se demande s’il le sera un jour. Même si la prise en charge médicamenteuse et paramédicale est correcte, Heirani se sent isolée car il n’y a pas d’insertion professionnelle possible : « La société dit : reste chez toi. Elle t’enferme dans le cercle du handicap et t’empêche de sortir » nous avoue-t-elle. « Il n’y a pas de place pour les handicapés dans la société. C’est tout ce que la société t’impose qui est dure à vivre, pas le handicap » renchérit-elle. Pour Heirani, l’embauche des handicapés est une hypocrisie car on n’embauche que les handicapés légers.

Si d’aventure, un jour, elle trouve un emploi, elle embauchera quelqu’un pour l’amener au travail, lui apporter son déjeuner et la ramener chez elle. Le travail des handicapés favorise la création de petits emplois pouvant convenir à des mères ou pères au foyer qui disposeront ainsi d’un complément de revenus. Elle imagine la création d’un service de transport réservé aux handicapés et payé par les handicapés qui travaillent.

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À la question de savoir si elle prépare la rédaction d’un second livre, elle nous répond avoir perdu l’inspiration face aux différents problèmes rencontrés depuis la publication de son premier livre. En effet, elle a dû renoncer à ses droits d’auteur pour conserver son allocation d’adulte handicapée, la CPS ayant pris en compte ses revenus extérieurs (ceux du livre et de ses articles en freelance dans un média de la place). Alors que ce premier livre représentait pour elle une première victoire sur son handicap, avec plein de projets, cette situation l’a ramenée à son triste sort « d’handicapée ». « Pourquoi travailler si l’on ne peut pas toucher les fruits de son labeur ? ».

Elle a également rendu sa patente pour ne pas perdre sa pension de la COTOREP et son affiliation au régime de solidarité. Elle regrette « l’absence d’humanité de l’administration en général vis-à-vis des personnes en difficulté » qui s’en tient stricto sensu à la loi. Elle aimerait qu’on lui laisse la liberté d’avoir des revenus. « La loi vis-à-vis des handicapés est injuste. C’est David contre Goliath. ». « C’est injuste mais c’est la loi. » lui a-t-on répondu un jour ! Une aberration que Heirani ne comprend pas !

Son message est le suivant : « La Polynésie est un paradis sur terre où manque la richesse de la différence. Elle doit apprendre à faire de son peuple, un seul peuple ; chacun avec ses différences. Car on peut apprendre de l’autre. Nous sommes déjà gâtés par la nature. Il reste la richesse sociale de la solidarité. Et à ce moment-là, nous serons le peuple le plus riche du monde. »

UFOO-Polynésie

© Photos : UFOO-Polynésie

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