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Portrait

Poetini Lehartel, ingénieure chez Boyer

Publié le 16 juin 2019

Casque de sécurité vissé sur la tête, bleu de travail sur le dos et chaussures de sécurité aux pieds, Poetini Lehartel nous reçoit dans son office. Un conteneur recyclé en bureau installé sur un chantier. Ingénieure en génie urbain, elle occupe la fonction de conducteur de travaux.  Un métier qu’elle exerce depuis plus d’un an. Ce cerveau revenu au fenua a accepté de livrer à  Femmes de Polynésie, une part de sa jeune carrière professionnelle qu’elle dédie à sa grand-mère.

ENFANT DE LA PRESQU’ÎLE

Ce n’est pas tous les jours que l’on rencontre un personnage comme Poetini ! Une personnalité où le cran et la droiture sont étroitement liés. Pour la rencontrer, il faut se rendre sur le littoral de Papeete, au rond-point dit « Chirac ». Là, s’élève un nouvel édifice dédié aux usagers des jardins de Paofai.  Un marché dont l’entreprise Boyer est titulaire. À 24 ans, la nouvelle recrue de cette société spécialisée dans la construction de bâtiments fait de la conduite de travaux sur un chantier complexe et multidisciplinaire nécessitant de la formation et de la rigueur.

Et l’on ne devient pas ingénieur du jour au lendemain. Son cursus ne doit rien au hasard, Poetini a dû faire preuve de détermination.  Une indépendance financière acquise au terme de plusieurs années d’études supportées à 100% par ses parents. « Un noyau familial » dit-elle, qui a pour devise « le travail, le respect et l’humilité ».

« Ils ont montré l’exemple. Ils ont toujours su bien gérer, élever leurs enfants, payer les factures… Ils ont beaucoup travaillé pour pouvoir nous payer des études. »

Poetini garde de son enfance partagée entre la presqu’île et la capitale, les conseils prodigués par sa sœur de dix ans son aînée. Depuis la métropole « où elle poursuivait ses études pour devenir Ingénieur de la Navigation aérienne, elle me répétait qu’il fallait que je travaille bien à l’école » et dans la famille Lehartel, on préfère les maths au français. Plus grande, elle a aussi le soutien de sa sœur cadette, qui elle, a préféré le commerce à l’ingénierie.

« Heureusement qu’elles étaient là moralement et physiquement. »

QUAND J’ÉTAIS PETITE JE VOULAIS DEVENIR ARCHITECTE

Un bruit sourd sur la porte métallique du bureau provisoire de Poetini nous interrompt. C’est un ouvrier qui a frappé et qui lui fait un point d’étape dans l’avancement des travaux.  L’homme, une cinquantaine d’année, lui fait son rapport sans tenir compte de leur différence d’âge et d’expériences. A-t-elle toujours voulu travailler dans le bâtiment ? Elle nous avoue que « quand j’étais petite je voulais devenir architecte ».

Passionnée par la conception des espaces, son projet professionnel évolue au fur et à mesure de son adolescence pour tendre vers « Ingénieur en Bâtiment » en classe de Terminale. Sur les conseils avisés de ses parents, elle s’oriente dans le génie civil et le bâtiment.

« Mes parents m’ont poussé à ce que j’aille le plus loin possible dans mes études. Le plus important pour eux était de s’assurer que lorsqu’ils ne seraient plus là, nous soyons indépendantes. »

Voir autre chose, prendre du recul par rapport au fenua, saisir l’opportunité de s’ouvrir à d’autres cultures, tels ont été les autres aspects à ce voyage initiatique souhaités par ses parents. Une ouverture au monde que la jeune fille n’a pas manqué de suivre. C’est entourée de son cercle d’amis construit au fil des 5 années d’études en métropole, qu’elle s’acclimatera.

« Maths sup, maths spé à l’autre bout de la planète, à Paris, à l’opposé de la mentalité tahitienne… ça a fait beaucoup et c’est ce qui a participé au caractère que j’ai aujourd’hui et qui fait la personne que je suis devenue ».

Le contraste entre l’isolement de la Polynésie et l’espace de l’Europe a ravisé son jugement sur le fait que « Tahiti n’est pas le seul plus bel endroit au monde ». À contrario, loin de ses parents elle gagne en autonomie et s’assume dans ses dépenses. « Après deux années en internat, je vis en appartement et j’ai du très vite apprendre à me gérer toute seule ». Tout ceci a fortement contribué à son ouverture d’esprit, ce qui n’était pas le cas, nous confie-t-elle, avant son départ pour Paris.

« Grâce à mes études, j’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de personnes de toutes cultures confondues. J’ai aussi eu l’occasion de voyager en Europe et en Chine où j’y suis resté 3 mois pour un stage, et je me suis rendu compte que l’on pouvait parfaitement être heureux à un autre endroit de la terre que Tahiti ! »

RETOUR AU FENUA

Plus mature, plus de tact, « la fille que j’étais il y a 5 ans avait promis de revenir, mais celle que je suis devenue voulait rester, le dilemme ! ». Un vrai cas de conscience qui se soldera par un retour au fenua. Sa grand-mère en a été l’une des principales raisons, « je ne voulais pas qu’un jour on m’annonce qu’elle était décédée sans que je ne sois là. »

Après un stage de fin d’études chez Vinci France, Poetini s’en retourne donc au fenua où nous dit-elle, « je vais prendre six mois de break post-études et en profiter pour prendre la température du monde du travail à Tahiti ». Derrière cette démarche, une réelle volonté de savoir en quoi ses années d’études pourraient être bénéfiques à son pays. Ambitieux ? Peut-être ! Altruiste, assurément.

Elle postule partout, public ou privé, puis reçoit un coup de fil de son futur employeur. « J’ai pu avoir un entretien d’embauche où j’ai plaidoyé et j’ai convaincu mon futur patron que j’étais le bon choix ; depuis je suis en CDI ». Son objectif n’a jamais été « un job, un salaire et une routine », Poetini avait à cœur de rendre à la société ce qu’elle lui avait permis d’être. L’opportunité s’est présentée avec l’entreprise Boyer leader de la Construction à Tahiti :

« Où j’ai une super équipe avec un bon chef de chantier. Mon patron c’est quelqu’un de très bien. Il est à l’écoute de ses employés. Je m’explique, un manœuvre comme un ingénieur travaux comme moi, on peut le voir dans son bureau, il nous recevra avec humilité. C’est quand même le patron d’un groupe de 800 personnes, il pourrait déléguer, mais non ! Je ne pense pas que tous les patrons soient comme lui, j’ai retrouvé en lui les valeurs qu’on m’a inculqué telles que le travail et l’humilité. »

Chez Boyer, le rôle de Poetini, conducteur de travaux, est de gérer la partie administrative et financière du chantier. Elle doit pour cela garder un œil sur le volet technique. Elle doit être au fait des plans, des clauses du cahier des charges technique, et maîtriser ce qui se passe sur le chantier afin de pouvoir remplir les objectifs de qualité et de délai. C’est un métier avec donc des missions internes très intéressantes et diversifiées.

Côté humain, dans ses rapports avec les autres, elle s’est imposé pour règle « de ne jamais court-circuiter le chef de chantier ! ». Dans la gestion interne c’est elle qui trie les informations pour faciliter la coordination entre les membres de son équipe travaux. La sécurité est évidement un point essentiel dans le fonctionnement de cette entreprise. Poetini a donc mis en place l’animation interne de ce qu’elle appelle les quarts d’heure sécurité.

« Ce sont 15 minutes que je prends dans la semaine avec les ouvriers. Pour leur faire prendre conscience de la sécurité. À Tahiti c’est un problème général. Le patron et les cadres ont conscience des conséquences, mais c’est la conscience collective qu’il faut susciter. Le but donc de ce quart d’heure est que les ouvriers mettent des mots sur des situations qu’ils rencontrent dans leur quotidien et que les moyens soient mis en place pour y remédier. »

Vu de l’extérieur elle conçoit que l’on puisse imaginer qu’elle ait de la difficulté à se faire accepter, être une « vahine » dans un univers de « aito », mais elle affirme « on a tendance à croire que sur les chantiers il n’y pas ce respect, que les ouvriers vont mal nous traiter, alors que ce n’est pas vrai du tout. Ils sont ultra respectueux, de leur supérieur d’abord et encore plus d’une femme ».

À CELLE QUI VEUT, RIEN N’EST IMPOSSIBLE

Cette expérience Poetini la partage à des jeunes étudiants (Terminal, BTS, CPGE) principalement au Lycée La Mennais et au Lycée Taaone. Dans un contexte où certains n’ont pas forcément dans leur entourage ni les contacts, ni les moyens ou encore les informations qui leur permettraient de s’orienter dans une carrière plutôt qu’une autre « il est indispensable de les aider à faire leur choix ».

En Polynésie l’accès à l’information pour des jeunes qui souhaitent poursuivre des études hors territoire est difficile.  « J’encourage nos jeunes à faire preuve d’initiatives, avec internet aujourd’hui on peut se renseigner. Allez plus loin que ce que l’on vous apprend à l’école. Soyez curieux, ne vous restreignez pas ! ».

Aux femmes de Polynésie voici le message de Poetini : Rien n’est impossible !

Plus d’informations

Sponsorisé par : Boyer Construction Tahiti

site internet: boyer-travauxmaritimes.com

 

Jeanne Phanariotis
Rédactrice web

© Photos : Femmes de Polynésie

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